LE CORBUSIER
La Chaux-de-Fonds (Suisse), 1887
Roquebrune-Cap-Martin (06), 1965
Architecte, peintre, sculpteur, poète, designer, Le Corbusier de son vrai nom Charles-Édouard Jeanneret-Gris apparaît dès les années 1920 comme le penseur de la modernité et un artiste complet.
Grand théoricien, Le Corbusier apparaît comme une personnalité phare du mouvement moderne. Il en donne une définition visuelle à travers les « cinq points d’architecture », théorisant l’utilisation du plan et de la façade libre, du principe des pilotis, de la fenêtre bandeau et du toit terrasse. Il plaide pour la rationalisation de la construction et l’utilisation massive des matériaux nouveaux, en particulier du béton dont il aime la pureté et le rendu. On parle d’ailleurs de « brutalisme » pour désigner cette esthétique du béton brut de décoffrage. L’architecte cherche également à donner la plus grande cohérence à ses œuvres en élaborant le « Modulor », système de proportions universelles fondé sur l’échelle humaine.
« L’ARCHITECTURE EST LE JEU SAVANT, CORRECT ET MAGNIFIQUE, DE FORMES ASSEMBLÉES DANS LA LUMIÈRE »
LE CORBUSIER
LE CORBUSIER
« L’ARCHITECTURE EST LE JEU SAVANT, CORRECT ET MAGNIFIQUE, DE FORMES ASSEMBLÉES DANS LA LUMIÈRE »
LE CORBUSIER
LES 5 POINTS DE L’ARCHITECTURE MODERNE
Par son art extraordinaire de la formule, Le Corbusier (avec son cousin Pierre Jeanneret) résume en « cinq points » les développements architecturaux les plus modernes de son temps.
1- Le bâtiment repose sur des piliers porteurs de béton ;
2- Ceux-ci rendent caduques les murs porteurs : il en découle le plan libre;
3- La façade est libre également (libre de la contrainte des murs) ;
4- La fenêtre en bandeau occupe la plus grande part de la façade ;
5- Le toit-terrasse devient un lieu de détente et de promenade.
Le Corbusier systématise ces cinq points dans son architecture, comme c’est le cas à la célèbre Villa Savoye (Poissy (78), 1928-1931).
Ils restent employés pour une grande part jusqu’à aujourd’hui.
LES ŒUVRES MAJEURES DE LE CORBUSIER
VILLA LE LAC, CORSEAUX, SUISSE, 1923
VILLA SAVOYE, POISSY, FRANCE, 1928
UNITE D'HABITATION, MARSEILLE, FRANCE, 1945
LE CABANON, ROQUEBRUNE CAP MARTIN, FRANCE, 1951
MANUFACTURE DUVAL, SAINT DIE DES VOSGES, FRANCE, 1958
VILLA « LE LAC », LE CORBUSIER
CORSEAUX, SUISSE, 1923
Petit bijou d’ingéniosité et de fonctionnalisme, la Villa « Le Lac » est un manifeste architectural où l’on trouve déjà les idées maîtresses du programme développé par Le Corbusier dans les années 1920 pour ses villas puristes. Véritable laboratoire des idées modernes, la Villa «Le Lac» compte parmi les réalisations les plus personnelles et les plus inventives de l’architecte.
La Villa « Le Lac » est le fruit d’une recherche ergonomique et d’une analyse fonctionnaliste — exceptionnelles en 1923 — visant à la réalisation d’un standard typologique : la maison étroite à travée unique. Un standard repris, depuis, dans le monde entier. Prototype de la maison minimale offrant un maximum de confort et d’espace, la Villa « Le Lac » cristallise des idées qui auront une influence considérable au XXe siècle autour des questions fondamentales de l’habitat minimum et de l’habitat pour le plus grand nombre. Cette modeste construction de 64 m2 rassemble déjà trois des futurs « cinq points d’une architecture nouvelle » : le plan libre, le toit-jardin et la fenêtre en longueur — une des premières de l’histoire de l’architecture. Véritable expérimentation technique, cette fenêtre de 11 mètres témoigne d’une nouvelle conception du cadrage du paysage et de la relation au site.
VILLA SAVOYE,
POISSY, FRANCE, 1928
Cette villa a été construite dans la plus grande simplicité, pour des clients dépourvus totalement d’idées préconçues : ni modernes, ni anciens. Leur idée était simple: ils avaient un magnifique parc formé de prés entourés de forêt; ils désiraient vivre à la campagne; ils étaient reliés à Paris par 30 km d’auto.
On va donc à la porte de la maison en auto, et c’est l’arc de courbure minimum d’une auto qui fournit la dimension même de 1a maison. L’auto s’engage sous les pilotis, tourne autour des services communs, arrive au milieu, à la porte du vestibule, entre dans le garage ou poursuit sa route pour le retour: telle est la donnée fondamentale.
Autre chose: la vue est très belle, l’herbe est une belle chose, la forêt aussi: on y touchera le moins possible. La maison se posera an milieu de l’herbe comme un objet, sans rien déranger.
Si l’on est debout dans l’herbe, on ne voit pas très loin l’étendue. D’ailleurs, l’herbe est malsaine, humide, etc… pour y habiter; par conséquent, le véritable jardin de la maison ne sera pas sur le sol, mais au-dessus du sol, à trois mètres cinquante: ce sera le jardin suspendu dont le sol est sec et salubre, et c’est de ce sol qu’on verra bien tout le paysage, beaucoup mieux que si l’on était resté en bas.
Dans nos climats tempérés, avec pluies fréquentes, il est utile d’avoir un jardin dont le sol soit sec instantanément; le sol du jardin est donc en dallage de ciment, posé sui sable, assurant un drainage instantané des eaux pluviales.
Mais on continue la promenade Depuis le jardin à l’étage, on monte par la rampe sur le toit de la maison où est le solarium.
L’architecture arabe nous donne un enseignement précieux. Elle s’apprécie à la marche, avec le pied; c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à l’architecture baroque qui es conçue sur le papier, autour d’un point fixe théorique. Je préfère l’enseignement de l’architecture arabe.
Dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, parfois étonnants. Il est intéressant d’obtenir tant de diversité quand on a, par exemple, admis au point de vue constructif, un schéma de poteaux et de poutres d’une rigueur absolue.
La construction est faite sur un jeu de poteaux équidistants, portant des chevalets qui, eux mêmes, supportent des poutrelles régulières à égales : ossature indépendante, plan libre.
UNITE D'HABITATION,
MARSEILLE, FRANCE, 1945
Erigée dans la verdure au milieu d’un vaste parc de 3 hectares et demi, baignée de lumière et de soleil, l’Unité d’Habitation est orientée est-ouest et ne comporte aucune ouverture vers le nord, côté du mistral. Mesures: 165 m de longueur, 24 m de profondeur, 56 m haut. Le bâtiment est construit sur pilotis. Le sol est libre et voué aux piétons. Parking d’automobiles et pistes réservées de vélos.
Le « terrain artificiel » contient les machines pour l’air conditionné du bâtiment, la machinerie des ascenseurs et les diesels. L’édifice groupe 337 appartements de 23 types différents, depuis le petit appartement pour le célibataire, ou pour le couple sans enfants, jusqu’au grand appartement pour familles de 3 à 8 enfants. Les appartements sont groupés par deux, imbriqués tête-bêche au long des corridors d’accès appelés: « rues intérieures » situées dans l’axe longitudinal du bâtiment. La première caractéristique de l’appartement-type est d’être construit sur deux étages comme une maison particulière. Les appartements sont isolés l’un de l’autre par des boîtes de plomb (isolation phonique).
La salle commune bénéficie des deux hauteurs d’étage mesurant 4 m 80 sous plafond. Un vitrage de 3 m 66 de large et de 4 m 80 de haut fait apparaître le magnifique paysage. Les équipements de la cuisine font corps avec l’appartement. Ils comportent: une cuisinière électrique à trois plaques et un tour, un évier à double bac, dont l’un forme vide-ordures automatique, une armoire frigorifique, une grande table de travail, des placards et casiers et une hotte d’aspiration des vapeurs de cuisine, raccordée à la ventilation générale. L’Unité est desservie par 5 rues intérieures superposées. A mi-hauteur du bâtiment (niveau 7 et 8) se trouvent la rue marchande du ravitaillement (services communs), comportant: poissonnerie, charcuterie, boucherie, épicerie, vins, crémerie, boulangerie, pâtisserie, fruits, légumes et plats cuisinés. Un service de livraison dans les appartements. Un restaurant, salon de thé, snack bar, permettant de prendre des repas. Des boutiques : salon de lavage, repassage, pressing et teinturerie, droguerie, coiffeur, de plus un bureau de poste auxiliaire, tabacs, journaux, librairie et dépôt de pharmacie. Sur la même rue intérieure se trouvent les chambres d’hôtel.
Au dernier étage (17e niveau): une crèche et une « maternelle » en communication directe par plan incliné avec le jardin sur le toit-terrasse réservé aux enfants. Ce jardin possède une petite piscine pour enfants. Toit-terrasse formant jardin suspendu et belvédère et comprenant: une salle de culture physique, une place d’entraînement et d’exercices en plein air, un solarium, une piste de course à pied de 300 mètres, un bar-buffet etc.
Extrait de Le Corbusier, Œuvre complète, volume 7, 1957-1965
LE CABANON,
ROQUEBRUNE CAP MARTIN, FRANCE, 1951
Application révélatrice. II s’agit ici d’une chambre de 366 x 366 cm et de 226 cm de haut (à l’exception d’un défoncement localisé pour satisfaire aux règlements).
Préfabriqué à Ajaccio (Corse) et monté à sec, l’extérieur et la toiture sont indépendants du problème posé ici. La mise en service de cette construction a dépassé tous les espoirs.
Les deux ventilations-moustiquaires ont répondu aux prévisions.
Le système est désormais appliqué aux Indes dans les édifices publiques et privés.
Le Cabanon a ses murs et sa toiture isolés par de la laine de verre.
Extrait de Le Corbusier, Œuvre complète, volume 5, 1946-1952
MANUFACTURE DUVAL,
SAINT-DIE DES VOSGES, FRANCE, 1956
L’urbanisation de la ville de Saint-Dié fut rejetée à l’unanimité des groupements grand bourgeois, petit bourgeois, ouvrier, C.G.T. socialiste, communiste, etc … soulevés d’un bloc contre une telle conception. Et le Ministère de la Reconstruction ne poussa pas fort à la roue à ce sujet… Saint-Dié est aujourd’hui en cours de reconstruction – autrement. Le plan comportait la construction de huit « Unités d’Habitation ». C’était en 1945. Marseille n’était pas encore née, n’était pas construite, se débattant sous le coup d’attaques abominables qui durèrent jusqu’au jour même de l’inauguration solennelle (14 octobre 1952). La chronologie était retournée: il eût fallu en 1945 avoir bâti Marseille, et en 1952 avoir fait le plan de Saint-Dié…
De tout l’effort fourni à Saint-Dié, il restait une petite flamme très pure: l’amitié d’un des jeunes industriels promoteurs du plan 1945: Jean-Jacques Duval dont la manufacture de bonneterie avait été détruite par les Allemands. Le Corbusier fut donc chargé de faire les plans d’un corps de bâtiment de l’usine. La construction fut lente, constamment freinée par les circonstances, patiente. Mais la petite manufacture Duval de Saint-Dié porte en soi certains éléments pertinents d’architecture moderne :
1° une modulation complète au Modulor;
2° une expression saisissante de la coupe;
3° une manifestation intense de la polychromie des plafonds, menuiserie, tuyauterie et gaines, en plein accord avec la robustesse du béton brut: la manufacture de Saint-Dié fut achevée avant l’Unité de Marseille. Toutes deux expriment une rude santé dans leur épiderme, et leurs couleurs saisissantes poussées à la plus puissante intensité.
Extrait de Le Corbusier, Œuvre complète, volume 5, 1946-1952